Après mon expérience d’années de création dans le domaine du verre et sa fragilité capricieuse, j’ai recherché une technique picturale qui me permettrait d’exprimer mon désir de rendre le paradoxe de la matérialité et de la transparence ainsi que de transmettre ma vision poétique de l’univers.

Je réalise mes encres sur du papier coton qui leur confère cette texture particulière, cette douceur qui peut s’apparenter au tissu. Les pigments de couleurs, les encres, les ors et les argents apportent leur lumière, leur éclat chatoyant, leur gaieté et créent des reflets vivants et parfois étonnants.

Mon objectif, lorsque je peins, est de transformer mon énergie, mes mille projets, mes mouvements, tout ce que je maîtrise en quelque sorte, pour laisser vivre la matière et mon imaginaire. Le papier absorbe l’eau et la couleur, les pigments se fondent; il y a, comme dans l’amour, un hasard désiré, des mariages de teintes imprévus, des mondes qui naissent.

Dans mes photographies , je plonge jusqu’au coeur de la matière éphémère en mouvement, je cadre pour trouver les plus émouvants points de rencontre, pour inspirer une sorte de calme contemplatif ou d’énergie joyeuse et offrir le moyen non de reconnaître des lieux mais par affinités de connaître la terre.

Paysages rêvés, espaces de l’âme, calmes débordements liquides ou violentes invasions solaires, c’est une invitation pour chacun à manipuler les éléments constitutifs du monde pour se créer des espaces inexistants mais possibles, qu’il importe de croire probables.

Sophie JOUVE

After years of working with glass, and its sudden fragility, I have tried to find a pictorial technique that would allow me to explore the paradox of materiality and transparence as I reach out for my own poetic vision of the world.

My works are made on cotton paper, which gives them a particular texture, a softness akin to that of fabric. The colouring pigments—the inks, the golds, the silvers—play with light, to create shimmering and sometimes surprising shades.

My purpose when I paint is to transform my energy, my crowding ideas, my gestures – in a way, everything that is within me – to give free rein to my imagination and my materials. Paper absorbs water and colour, pigments merge; as with love, risks are gladly taken; new worlds emerge in unexpected marriages of colour.

My photographs of ink issue from choices made, as I dive into flowing ephemeral matter, and try out perspectives to find the most significant juxtaposition, the most meaningful framing. My purpose is to stimulate quiet contemplation or joyful energy and to provide the means not to recognize specific places but to feel an affinity with all the things on earth.

Dream landscapes, interior spaces; the silent overflowing of liquids, or the violent spasms of the sun: they are an invitation for each of us to reshape the known world in original permutations, and imagine likely spaces. And though they don’t exist, it’s important to believe they may.

Sophie JOUVE

 Il est des livres qui ont marqué notre enfance… L’Ile mystérieuse… 20.000 lieues sous les mers  Ce vertige de gouffres et de cavernes nous enchantait, nous plongeant dans un absolu à la mesure de nos rêveries, un domaine insondable de sanctuaires et de forêts marines que n’entachait aucune souillure. Nous y trouvions le refuge idéal où combler nos premiers émois, notre soif d’infini et, dans les éblouissements de nos sommeils, s’ouvrait un monde d’avant le déluge, d’avant les célestes colères… Le paradis, un instant retrouvé par le charme d’une lecture….

 La peinture de Sophie Jouve nous fait redécouvrir le royaume des splendeurs océanes, la saveur ancienne des abysses, des algues, des bourrasques. Elle nous mène – non, certes, pour s’y perdre – vers les sources de la mer, vers les plages de silences, de murmures. Parfois, la roue d’or de l’aube la traverse, perlée des rosées de la nuit, brouillée de pluies d’écumes et d’embruns. Parfois l’horizon s’empourpre du sacre d’un soleil, enflammant le paysage de ses torches d’incendies. De ce voyage au long cours parmi les hautes marées, les bondissements des falaises et des houles, nous gardons, gravée sur l’épaule, une empreinte étoilée – comme la griffe d’un savoir. 

Cette peinture est une retraite sous le cloître d’un monastère englouti, qui résonne de psaumes, d’orgues et de clarines, sous les voûtes d’une chapelle secrète où l’âme exulte… On le sait pourtant, l’aube se déchire vite lorsque point le jour et nos escapades, nos envolées, sont de brèves lueurs que dissipe la lumière crue.… Merci à Sophie Jouve d’avoir fait déferler sur ses toiles ses vagues heureuses pour que nos aurores ne s’estompent à jamais, d’y avoir déployé ses salubres orages, ses embellies, d’y avoir accroché, contre la disgrâce qui est notre lot, ses bouquets de fleurs sauvages, ses éclaboussures d’éternité.

Henri Zalamanski

EXPOSITIONS